le passager

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Rêveur,sculpteur, conteur, auteur, dessinateur, animateur, reconstituteur amateur

mercredi 29 mai 2013

Ce soir là, la tempête faisait rage. L’homme avait coiffé son chapeau, pris sa musette et son bâton ferré.
- N’y vas pas, dit sa femme, ce n’est pas bien !
- Nous ne pouvons faire autrement, répondit l’homme. Nous avons si peu pour vivre. Notre propre fils en est même réduit à faire le mousse sur la Marité, alors qu’il a à peine douze ans.
La vie était dure à cette époque. Poussé par la nécessité, Denez s’était acoquiné avec ceux du hameau d’à côté. Ah ! ceux là, ce n’étaient pas des paysans comme Denez, c’étaient des naufrageurs, des buveurs de sang. Ils ne se contentaient pas de piller les épaves, non ! ils attiraient les navires pris dans la tempête et quand l’un d’eux se brisait sur les écueils, ils se lançaient à la curée allant jusqu’à achever à coup de penn bazh les malheureux survivants.
- N’y vas pas supplia à nouveau la femme.
Mais il était trop tard, Denez avait franchi la porte. Quand il arriva sur la côte, les naufrageurs étaient déjà à l’ouvrage. Ils avaient fixé au cou d’une vache un fanal, puis avaient entravé la bête de telle façon que lorsque celle-ci se déplaçait en boitant le fanal s’agitait comme on le fait pour envoyer un signal.
- Là-bas ! cria l’un des hommes.
En effet à la lueur des éclairs, on apercevait un navire ballotté par les vagues. Son capitaine trompé par les signaux lumineux, se dirigeait vers la côte pensant y trouver refuge. Les naufrageurs poussèrent une clameur de joie et se précipitèrent au pied de la falaise. Denez qui les suivait s’arrêta un moment pour observer le navire qui s’approchait du récif. Le capitaine avait dû se rendre compte du danger car le bateau virait de bord, mais il était trop tard, un rouleau coucha le navire et l’envoya sur les rochers. On entendit un énorme craquement, des cris puis plus rien. Denez reprit sa marche et bientôt rejoint les autres. Déjà la mer crachait ses premiers cadavres et les naufrageurs allaient de l’un à l’autre retournant les poches, s’emparant de ce qui pouvait être pris. A un moment tout le monde s’arrêta. Perçant la brume épaisse, une longue plainte se fit entendre.
- Maman ... maman... ma...
C’était la voix d’un enfant. Puis la plainte se fit plus faible et disparut sous le lourd manteau de la nuit. Les hommes se remirent à l’ouvrage ramassant ici, un tonneau, là, un coffre. Denez qui n’avait encore rien trouvé, aperçut une masse noire qui flottait.
- Enfin la chance me sourit, pensa t’il.
Il entra dans l’eau jusqu’à la taille. C’était un morceau de l’étrave du bateau. Peint sur la bordée on pouvait encore lire le nom du navire... La Marité et ce petit corps sans vie qui flottait à côté, cet enfant aux cheveux blonds, son fils.

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